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NOTES 957

LE MÉDECIN MALGRÉ LUI, au Vieux-Colombier.

Le Vieux-Colombier, désireux de marquer une fois de plus quelles sont les sources où il puise sa force, vient d'ou- vrir sa troisième saison avec le Médecin malgré lui. Les pro- cédés de mise en scène sont les mêmes que ceux des Four- beries, et c'est précisément l'absence d'innovations techni- ques qui fait l'intérêt de cette représentation, puisqu'elle per- met, tout effet de surprise passé, de mesurer la fécondité du parti adopté par Copeau. Nous avons donc retrouvé le tré- teau, cette plateforme en bois qui occupe le milieu de la scène et que des marches réunissent au plateau. Ainsi suré- levés etisolés, les personnages comiques acquièrent des pro- portions au-dessus de l'échelle humaine. Le jeu du visage s'efface ; par contre les gestes prennent une ampleur et un accent tels qu'on les imagine chez les acteurs masqués de 4'antiquité. Ce n'est pas que les finesses soient sacrifiées, mais elles changent de nature et diffèrent de ce qu'on a l'habitude de voir au théâtre, comme le plein air diffère d'une atmosphère d'intérieur. C'est l'optique de la rue et par conséquent du théâtre forain. On pourrait objecter que Molière avait dépassé, dans presque tout ce que nous possé- dons de lui, ce stade de l'art scénique. C'est exact ; aussi, dans les représentations données sur le tréteau, les parties de comédie pure pâlissent-elles un peu devant les parties de farce. La bouffonnerie l'emporte souvent sur la gaieté et la bonne grâce ; mais, pour réagir contre l'abâtardissement du théâtre, il saute aux yeux que c'est bien dans ce sens qu'il ' faut marcher. Les figures que dressent devant nous les comé- diens du Vieux-Colombier ne s'effacent plus de nos mémoires, tant elles ont de caractère et de relief. Que le bûcheron Sganarelle prenne la silhouette formidable du Grand Pan lui-même, cela vaut certes mieux que s'il se rapetisse à l'image d'un professeur de diction. C'est surtout dans les

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