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932 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Et pourtant le jugement de Leraaître sur cette « épopée pessimiste de la nature humaine » me paraît aujourd'hui encore très juste. Non seulement cette masse commande le respect, mais plus de la moitié de ces livres, quand nous les relisons, se tiennent encore. Il y a un art de faire de la vie et cet homme connaissait son art. Le jour où les retours et les balancements inévitables nous ramèneront à l'oratoire, à Tenchaîné, au massif, évidemment on ne fermera pas les yeux sur le manque de style de cette grande œuvre, mais on lui rendra de l'estime, on cherchera à y rapprendre quelques secrets que le goût du détail aura fait perdre.

Maupassant n'a pas été sujet à la même éclipse. Il subsiste, d'un bout à l'autre à peu près, intact et robuste. Il est curieux que les deux maîtres de la nouvelle, Mérimée et lui, nous présentent les deux tempéraments si opposés de l'intellectuel et du sensitif. (Et encore, en cherchant bien, en cherchant la femme, on trouverait le joint). Mais le jour où l'on fera de l'un à l'autre la comparaison classique qui s'imposera, on trouvera, je crois, que Maupassant l'emporte. Je ne vois pas d'où une ride, une fêlure, une moisissure pourraient venir sur Boide-de-Suif, la Maison Tellier, ni même sur Bel-Ami.

De Huysmans, Remy de Gourmont a fait remarquer à peu près, avec raison, que c'était la médiocrité parfaite sauvée par le style. En lui-même il serait peu de chose, mais (en jetant par-dessus bord l'insupportable A Rebours) il a eu le génie de pousser jusqu'au bout la conscience et la peinture de la médiocrité et de l'envelopper dans ce style imagé, caustique et verveux qui demeure une agréable jouissance de lettré.

Ce qui n'empêche nos trois naturalistes d'apparaître, après Flaubert, comme des Epigones. Dans ce partage de l'empire d'Alexandre, Zola a pris pour l'appliquer à la société con- temporaine le gaufrier oratoire, le mouvement épique de Salammbô, en quêtant sans grand succès son style dans les

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