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gens tels qu’ils voudraient les voir dans la vie ; je lui dis aussi que j’aimais voir des gens actifs, qui s’efforcent de résister aux maux de la vie, par tous les moyens, fût-ce même par la violence.

— La violence est le principal de tous les maux, s’écria-t-il, me prenant par le bras. Comment voulez-vous sortir de ce dilemme, inventeur ? Mais prenons votre « Compagnon de voyage ». Voilà qui n’est pas inventé. — C’est bien, précisément parce que ce n’est pas inventé. Mais quand vous vous mettez à penser, votre cerveau engendre des chevaliers, des Amadis et des Siegfried.

Je fis la remarque que tant que nous restons dans la sphère étroite de nos « compagnons de voyage », êtres anthropomorphes et dont nous ne pouvons nous défaire, nous ne bâtissons que sur le sable, et dans un milieu réfractaire.

Il sourit, et me poussant légèrement du coude, il dit : « De ce que vous venez de dire on pourrait tirer des conséquences dangereuses, extrêmement dangereuses. Votre socialisme me semble de qualité quelque peu douteuse. Vous êtes un romantique, et les romantiques doivent être des monarchistes, ils l’ont toujours été.

— Et Hugo ?

— Hugo ? Ce n’est pas la même chose, je ne l’aime pas. C’est un homme bruyant.

Il me questionnait souvent pour savoir ce que je lisais, et s’il trouvait mon choix mauvais, il ne manquait pas de me le reprocher.

« Gibbon est pire que Kostomarov. On devrait lire Mommsen. Il est très ennuyeux à lire, mais tout y est tellement solide. »

Quand je lui dis que le premier livre que j’eusse jamais lu était « Les Frères Zemganno », il se mit dans une vraie colère. « Là, voyez-vous. Un roman stupide ! C’est ce qui