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SOUVENIRS SUR TOLSTOÏ 0«7

XXXV

Il )• a des moments où il donne l'impression d'être arrivé à l'instant de quelque pays lointain où les gens sentent et pensent différemment, et ont d'autres coutumes et un autre parler. Il est là, assis dans un coin, fatigué et gris comme s'il n'avait pas encore secoué la poussière d'une autre terre^ et il regarde attentivement chaque chose avec le regard d'un muet ou d'un homme qui ne parle pas la langue du pays.

Hier avant le dîner, il entra dans le salon, tel que je viens de le décrire, ses pensées loin et ailleurs. Il s'assit sur le sofa, et après un moment de silence dit soudainement, en balançant un peu le corps et se frottant les genoux de la paume de ses mains, tandis que toute sa figure se plissait :

— Et cependant ce n'est pas là tout, non, pas tout. Quelqu'un d'obtus, d'une stupidité de tout repos, comme

un fer à repasser, demanda :

— Que dites-vous ?

Il le regarda fixement et puis se pencha en avant et dirigeant son regard vers la terrasse où j'étais assis avec le docteur Nikitine et Yelpatievski, il dit : « De quoi parlez-vous ? »

— De Plehve.

— De Plehve... Plehve... répéta-t-il, absorbé dans ses pensées et gardant le silence un moment comme s'il entendait ce nom pour la première fois. Et puis il fit le geste d'un oiseau qui secoue ses plumes et dit avec un sourire à peine perceptible :

— Depuis ce matin j'ai une sotte idée qui me roule dans la tète ; un jour quelqu'un m'a dit avoir lu l'épitaphc suivante dans un cimetière :

Sous cette pierre repose Ivan Jegovner ;

Tanneur de son métier, du matin au soir il trempait les cuirs.

Son travail était honnête, son cœur bon, mais voyez,

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