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SOUVENIRS SUR TOLSTOÏ 875

est justifié par la pitié qu'inspire la fille. Qiii donc pourrait la désirer dans l'état où elle est ?

— Je ne puis me l'imaginer. . .

— Il y a bien des choses, cher ami, que vous ne pouvez vous imaginer. Vous n'êtes pas malin...

Là-dessus la femme d'André Lvovitch entra et la conver- sation fut interrompue. Elle ne tarda pas à quitter la chambre avec Suler, et Léon Nicolaïevitch me dit : « Léopold est l'homme le plus pur que je connaisse ; il est comme cela: s'il faisait quelque chose de mal, ce ne serait jamais que par pitié pour quelqu'un. »

XXII

Ses sujets favoris sont Dieu, les paysans et les femmes ; de littérature il ne parle que rarement et peu, comme si la littérature était quelque chose qui lui fût étranger. En ce qui concerne la femme, mon sentiment est qu'il la considère avec une hostilité implacable, qu'il aime positivement à la punir, à moins qu'il ne s'agisse d'une Kittie ou d'une Natacha Ros- tov, c'est-à-dire d'une créature qui ne soit pas trop étroite. C'est ou bien l'hostilité du mâle qui n'a pas réussi à se pro- curer tout le plaisir qu'il voulait, ou bien l'hostilité de l'esprit contre a les impulsions dégradantes de la chair ». Mais c'est de l'hostilité, et de la froide comme dans Anna Karénine. Sur « les impulsions dégradantes de la chair » il a parlé de façon fort intéressante dans une conversation qu'il a eue Dimanche avec Tchékhov et Yelpatievski, au sujet des « Confessions » de Rousseau. Suler avait transcrit ce qu'il disait, mais plus tard en préparant le café, il brûla ses notes dans la lampe à alcool. Il lui était déjà arrivé une fois de brûler ainsi les opinions de Léon Nicolaïevitch sur Ibsen et il a aussi perdu les notes qu'il avait prises d'un entretien dans lequel

  • Léon Nicolaïevitch avait dit sur le symbolisme du mariage

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