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SI LE GRAIN NE MEURT... 815

sur lequel j'aurais pu m'exercer un peu chaque jour ; hélas ! n'avait-on pas recommandé à ma mère d'éviter soigneusement tout ce qui m'eût coûté quelque effort ?... J'enrage^ comme Monsieur Jourdain, à rêver au virtuose qu'aujourd'hui je pourrais être si seulement, en ce temps, j'eusse été quelque peu poussé.

De retour à Paris, au début du printemps, maman se mit en quête d'un nouvel appartement, car il avait été reconnu que celui de la rue de Tournon ne pouvait plus nous convenir. Evidemment, pensais-je au souvenir du sordide logement garni de Montpellier, évidemment la mort de papa entraîne l'effondrement de notre fortune ; et de toute manière cet appartement de la rue de Tout- non est désormais beaucoup trop vaste pour nous deux. Qui sait de quoi ma mère et moi allons devoir nous contenter ?

Mon inquiétude fut de courte durée. J'entendis bien- tôt ma tante Démarest et ma mère débattre des ques- tions de loyer, de quartier, d'étage et il n'y paraissait pas du tout que notre train de vie fût sur le point de se réduire. Depuis la mort de papa, ma tante Claire avait pris ascendant sur ma mère. Elle lui disait sur un ton tranchant et avec une moue qui lui était particulière :

— Oui, l'étage, passe encore. Avec un ascenseur on peut consentir à monter. Mais, quant à l'autre point, non, Juliette. Je dirai même : absolument pas. Et elle faisait du plat de la. main un petit geste en biais, net et péremptoire qui mettait fin à la discussion.

Cet « autre point », c'était la porte cochère. Il pouvait paraître à l'esprit d'un enfant que, ne recevant guère et

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