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SI LE GRAIN NE MEURT…
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quittant l’ombre. On retrouvait, au-dessus des falaises, un terrain où quelques cultures fanaient sous un ardent soleil ; plus loin, aux premières pentes des monts, commençaient d’immenses forêts de châtaigniers séculaires.

La piscine de Lamalou-le-haut prétendait, je crois, remonter au temps des Romains ; elle était du moins primitive, et je l’aimais pour cela ; petite, mais il importait peu, puisqu’il était prescrit d’y demeurer tout immobile afin de permettre à l’acide carbonique d’opérer. L’eau, d’une opaque couleur de rouille, n’était point si chaude qu’en y plongeant on ne s’y sentît d’abord frissonner ; puis bientôt, si l’on ne bougeait point, venaient vous taquiner des myriades de petites bulles, qui se fixaient sur vous, vous piquaient, interposaient à la demi-fraîcheur de l’eau une cuisson mystérieuse par quoi les centres nerveux fussent décongestionnés ; le fer agissait de son côté, ou de connivence, avec le concours d’on ne sait quels éléments subtils, et tout cela mêlé faisait l’extraordinaire efficacité de la cure. On sortait du bain la peau cuite et les os gelés. Un grand feu de sarments flamboyait, que le vieil Antoine activait encore >et au-dessus duquel il faisait ballonner ma chemise de nuit ; car ensuite on se recouchait : par un interminable couloir on regagnait l’hôtel, et sa chambre, et son lit que bassinait en votre absence un “ moine ” — c’est ainsi qu’on appelle là-bas un réchaud qu’un ingénieux système d’arceaux suspend entre les draps écartés.

L’assemblée des docteurs, à la suite de cette première cure, reconnut que Lamalou m’avait fait du bien (oui, décidément, ce dut être cette consultation qui se tint à l’Hôtel Nevet) et conclut à l’opportunité d’une nou-

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