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L'idée de Cézanne, que tout doit se passer sur la surface de la toile, l'entraîna à faire chavirer sur un seul plan vertical les formes qui, dans la nature, s'échelonnent horizontalement, partant de notre œil pour rejoindre l'horizon. L'espace, ici, n'est pas matériel ; il exclut l'idée de distance, de vide et de mensuration. La troisième dimension, ou profondeur métrique, est supprimée pour laisser place à une dimension toute métaphorique, elle aussi, et qui nous offre une évocation illimitée. Quelques peintres, à ce propos, parlèrent de quatrième dimension, sans se douter du danger qu'ils faisaient ainsi courir au langage pictural nouveau. Il ne peut réellement être question d'employer ici un vocable appartenant à la science purement intellectuelle des mathématiques, pas plus que de se contenter des deux dimensions de la peinture plate, ornementale. Cette dimension qui n'est ni la seconde, ni la troisième, pourquoi ne pas l'appeler tout simplement la profondeur picturale ? Quant à l'atmosphère elle perd ici son sens de chose neutre et respirable, mais elle se dégage, impondérable, des subtils prolongements des objets, de leur façon de se continuer sur la toile et de se conjuguer. Elle résulte du;V// délicat que le peintre introduit entre les rouages de cette machine vivante, douée d'un corps et d'un esprit, qu'est le tableau véritable. Enfin la couleur, qui jadis se répandait à l'intérieur de formes fermées et les revêtait du ton local, s'écoule par la blessure de ces formes, ouvertes du fait de leurs compénétrations, et, dès lors, n'exprime plus le ton sui generis, mais l'indique à peine, sur la partie résistante qu'abandonne l'objet à l'analyse matérielle.

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