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NOTES 6 I 5

du mysticisme le plus aigu et le plus délicat, ces passages comiques, voire de pure farce, qui furent jadis les agré- ments humains de cette sorte d'ouvrages. Enfin, pour aller jusqu'au bout de sa tentative, Ghéon a écrit ce Miracle du Pendu dépendu où l'on voit un pèlerin se rendant à Compos- telle faussement accusé d'avoir volé un ffobelet d'araent, pendu, miraculeusement maintenu en vie par Saint Jacques et finalement remis sur ses pieds, plus souriant et candide que jamais.

La presse a été quelque peu déconcertée par cette naïve histoire. Elle s'attendait à trouver, dans ce nouveau théâtre montmartrois, sinon une pièce gaillarde, du moins quelque chose de rare, de raffiné, d'extraordinaire. Or l'extraordi- naire a précisément consisté en ceci qu'on l'a mise en pré- sence d'une farce populaire, sommaire et naïve, d'une naïveté authentique, sans mièvreries, sans enfantillages pour gens blasés, un vrai divertissement de patronage, avec de grosses plaisanteries, une verve drue et une poésie qui demande, pour être sentie, une certaine fraîcheur d ame. Le malentendu était aggravé par le jeu des acteurs, dont la bonne volonté ne parvenait pas à faire oublier le manque de style. Rien n'est plus malaisé que d'obtenir une simplicité qui ait de la force et du caractère, de la part de comédiens habitués à jouer de petites choses réalistes. Ici leur con- science professionnelle les a desservis, et la vérité qu'ils ont cherché <à mettre dans l'interprétation des deux premiers actes n'a fait qu'y introduire de l'invraiseniblance. Il a fallu le troisième acte avec son pendu qui se met à parler, pour que le sujet même imposât aux acteurs le ton et le style de la farce. Et aussitôt le spectacle a pleinement porté ; il a ému et il a fait rire.

Il faut espérer que, de la veine féconde où il a puisé celle-ci, Henri Ghéon tirera d'autres pièces et qu'il saura rendre une vie ingénue à des sujets qui depuis si longtemps avaient

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