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LES PIXCEN'GRAIN 585

— « Je viens de rencontrer Prisca au bras du vieux monsieur Prud'homme », dit Godeau. « Une veuve inconsolable, qui méprisait avant la mort de son mari toute préoccupation d'intérêt dans le mariage, — peut bien sans déroger accepter pour amant ce vieillard mort- doré. Il suffit d'être logique avec soi-même. »

— « J'avais peur de Godichon », dit Véronique. « Je lui avais si souvent affirmé que le bien existe sur la terre. Je me devais de lejui laisser croire jusqu'à la fin. J'ai eu peur d'Eliane ensuite. Elle me rendait mon image, quand je ne me souvenais plus de moi déjà ni de la justice. Elle m'obligeait à un respect nouveau de moi- même, quand je la regardais. Et puis, j'ai eu peur de mère, jusqu'à l'avoir désespérée et que légère me fut sa malédiction. J'ai eu peur de Prisca enfin, pour le mau- vais exemple que je lui aurais donné... »

— « Godichon n'est plus, dit Godeau. Eliane est sau- vée. Votre mère est morte. Prisca est perdue... »

Véronique cherche dans son porte-monnaie une lettre de Godeau qui lui paraît excitante. Elle trouve la lettre de petit Robert : « Ce matin, j'ai fourbi le sabre de papa Lecœur, pour tuer la Gerboise, quand je serai grand. »

— « Il me semble », traduit \'éronique, « que père m'entraîne vers lui, que je vais retrouver l'indulgence qui lui convient, à lui ressembler. Il m'aimait tant. Je relève les péchés de Pincengrain, en les accordant à la beauté et à l'esprit de Godeau. »

Godeau s'écrie : — « Il n'y a plus personne entre toi et moi. »

— « Il y a encore le Dieu de Godeau », dit Véro-

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