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5^4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

XV

Prisca, qui avait eu jusqu'à ce jour le plus de joie parmi les siens, paraissait diriger ses sœurs et sa mère. On ne sait pourquoi Véronique s'est élevée maintenant au-dessus d'elle dans sa force. Elle commande aux batte- ments des quatre coeurs.

Madame Pincengrain appelle Godeau « mon fils ». Véronique et Eliane l'appellent « mon frère ». On lui donne la place d'honneur. Godichon cire ses souliers et va lui porter un parapluie au bout du monde, s'il vient à pleuvoir et qu'on sache Godeau en apostolat.

Godichon voit moins la perfection de Véronique. Celle de Godeau l'éblouit. Il voit Godeau entre Véronique et Eliane, comme le soleil resplendit dans le désert entre deux palmiers.

Godichon troublé dans ses admirations devient malade. Il a souvent la fièvre. On l'humilie. Madame Pincen- grain le suit sans cesse avec un linge pour essuyer la trace de ses pieds sur le plancher et l'endroit de la table où ses doigts ont passé. On lui dit devant Godeau qu'il est malpropre ; sa femme soulève les épaules, en le regardant, si parle Godeau. Si Godeau préfère un mets qui empoisonne Godichon, on empoisonne Godichon pour plaire à Godeau.

Godeau s'assied dans l'unique fauteuil à baldaquin ; ces dames ont pris les trois chaises sculptées ; Godichon cherche le tabouret.

Godichon ne discute plus le christianisme. Il en accepte la puissance mystérieuse. Il lui reconnaît une

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