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Î,ES PINCENGRAIN 557

entendre venir de plus loin celui ou celle qui pourrait la déranger ou la délivrer.

Les][^voisins respectent cette vieille femme inconnue, si maigre, si pâle, au visage de squelette, qui leur appa- raît entre deux rideaux de lin soulevés comme des ailes d'ange. La blancheur du linge qu'elle entretient autour de son visage trouble la conscience de Paris.

Prisca traverse en étrangère le silence de sa mère et de ses sœurs. Elle se laisse vaincre rarement par l'atmos- phère triste et tranquille qu'elles ont créée. Elle couche dans le lit de sa mère. Véronique et Eliane partagent l'autre lit. Véronique a choisi comme devise « Tout droit». Eliane, quand on lui demande la sienne, dit : « Suivre Véronique ». Leurs actions, si elles sont iden- tiques, n'ont cependant pas la même valeur. Véronique aime l'ascétisme pour lui-même, ne connaît que des émotions morales, trouve sa joie dans la rigueur de la justice où elle se tient. Eliane aime l'ascétisme pour Dieu, ne connaît que des émotions religieuses, trouve sa joie dans l'enthousiasme du grand amour chrétien. Véronique porte un air de la religion. Elle en adopte les rites et pratique les exercices de piété pour la distinction qu'ils confèrent, et parce qu'ils conviennent aux « honnêtes gens ». Mais elle ne demande pas son secours à Dieu, et ne trouve pas en lui la joie du cœur. Elle ne prie jamais. Elle aime d'abord et froidement le bien, et tout de suite après le bien, la couleur jaune et la maigreur.

Prisca n'est jamais entrée si avant dans la morale et la religion. Elle prend à l'une et à l'autre ce qui peut convenir à son rêve léger, à sa vie sans importance, à son mariage ridicule de demain. Le plus grand charme

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