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46 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

maculées de sauce, ce n'est pas du tout que ces précisions me semblent attentatoires à la noblesse de mes idoles, c'est parce que, sous des apparences d'exactitude, vous nous donnez l'impression la plus calomnieuse, celle d'un repas de Zoulous, là où l'urbanité, la conversation et la tenue valaient peut-être bien celles d'aujourd'hui.

Mince sujet de chicane ! Moins mince pourtant qu'il ne paraît, car ce sont des détails de cette sorte qui mettent le plus de barrières entre les hommes. C'est déjà vrai entre contemporains ; à plus forte raison lors- qu'il s'agit des générations passées, avec qui nul ne prend à cœur de dissiper les malentendus. Je préfère encore les entremetteurs un peu trop complaisants que furent certains historiens de la vieille école, à cette véra- cité meurtrière par laquelle vous brouilleriez les meil- leurs amis. Devant un portrait à perruque, votre rôle •devrait consister à nous fournir un cache qui isole le visage et nous le fasse apparaître dans son caractère profond, dépouillé de ce que l'époque et la mode y ajoutaient d'éphémère et de bizarre. Mais on croirait que vous preniez à tâche de ne me faire regarder que la perruque. Je la distingue avant la figure des personnages. J'aperçois ces monuments de boucles sur les champs de bataille aussi bien que sur les oreillers. J'ai de la peine à imaginer là-dessous les angoisses et les sueurs du combat, le désordre de la douleur et de la passion. Débarrassez-moi de tout ce crin. — Il y était, dites- vous. — Oui, mais on n'y pensait pas jour et nuit ; et lorsqu'on n'y pensait pas, c'est comme s'il n'avait pas existé.

Ne croyez-vous pas que la dévotion a notablement

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