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494 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le témoin bossu et blond mettait les doigts dans le nez. C'est un savetier de la rue de Tlemcen qui a tro- qué contre l'apéritif et le déjeuner une matinée de tra- vail et de gains.

« Et toute ma vie je prierai pour eux : ils ne me verront pas et Dieu les comblera de prospérité. Ils me devront le bonheur et nul que Dieu ne le saura. Saint Joseph n'était pas plus riche quand il prit Marie devant Dieu... devant Dieu... devant Dieu. »

Ainsi pensait le petit homme des églises et malgré l'envie qu'il en avait il n'osa pas avec le témoin bossu et blond signer le registre apporté par le prêtre.

Une heure après au milieu d'ouvriers bruyants et rési- gnés le petit homme des églises rêvait devant un cou- vert de fer, une table en marbre blanc, un plat de hari- cots roses et une carafe d'eau. Il ne comprit ni la présence debout à cette table du marié qu'il avait béni, ni les paroles qu'il lui disait.

« Alors ! c'est y à Madame que vous en avez ? D'où donc que vous la connaissez Madame ? Vous pouvez y faire société à Madame car nous autres on va bouifer ailleurs, pas, Charles ?

— Laisse-le donc, disait Charles, tu vois bien que c'est un louftingue.

— J'aime pas beaucoup qu'on se foute de moi. »

Le petit homme des églises n'eut ni le courage d'achever son maigre repas ni celiii de l'abandonner, ni celui de répondre aux paroles brutales des hommes, au regard douloureux de la pauvre mariée solitaire. \'ague- ment il devinait toute intervention nuisible, toute expli- cation inutile. Le premier pas vers la sainteté est la

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