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NOTES 447

Stendhal, ses haines ou ses affections d'autrefois lui sem- blent toujours justifiées, et son aveuglement persiste. Un seul élément s'est modifié : cette sensibilité, voilà un demi^ siècle qu'elle s'irrite, qu'elle se développe dans le sens de la misanthropie, de la rancune, de l'aigreur ; les impressions d'enfance, ressenties à nouveau, le sont dans le même sens que jadis, mais avec un excès qu'elles nont point connues, et que le vieillard se plaît encore à exagérer. Henri Brulard nous semble l'enfant le plus per\'ers, le plus haineux, le plus irrespectueux, le plus ardent, le plus rempli d'idées fausses, alors qu'il s'attache surtout à nous persuader, dans son âge mûr, qu'il a été tout cela, qu'il met sa joie à déplaire et qu'il se ré'^•èle ainsi un vieil homme très rancunier, très peu scrupuleux, très peu tendre, très sensible, et très irré- fléchi. Ce n'est pas, à la vérité, le portrait qu'en trace M. Arbelet ; le jeune Beyle est moins noir à ses yeux, et aux nôtres, que dans l'esprit du vieux Stendhal ; mais il dispose, pour le vieux Stendhal, de trésors d'indulgence. Il nous démontre, par exemple que ce voluptueux amour pour sa mère, qu'on lui a tant reproché, était un attachement pur et vif de petit enfant, dont toute la souillure a été ajoutée, dans le but de déplaire, cinquante ans plus tard. Et il nous convainc facilement qu'il n'y avait point là un sadisme d'enfant trop précoce ; mais il ne songe pas qu'il y a là, bien étalé, un sadisme recuit de xieux voluptueux.

M. Arbelet, à vrai dire, ne songe pas souvent à tirer des conclusions des erreurs de Stendhal et de ses injustices. II ne les partage pas toutes, mais il les excuse volontiers, et parfois il y trouve un motif de louange ou de réjouissance. Henri Beyle haïssait cordialement son père, sa tante Séra- phie, l'abbé Raillanne et quelques autres. M. Arbelet ne les trouve pas si haïssables, et détaille leur portrait avec finesse et bienveillance. Mais cette haine l'émerveille : bon petit cœur, il ne haïssait tant que parce qu'il avait l'âme tendre !

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