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360 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

complexe. Elle n'a jiimais pu apprendre à communiquer avec ses semblables ni par la voix ni par la mimique. Ses gestes, incoordonnés, ne semblent pas appropriés à une fin. Elle ne peut se mouvoir,' même pour l'accom- plissement de ses fonctions naturelles qu'il faut bien que <les servantes préviennent pour elle. Par bonheur elle ne résiste jamais à une impulsion quelconque qu'un étranger donne à l'un de ses membres. Elle semble demeurée dans l'état du nouveau-né, et ces gens naïfs la respectent comme un prodige. » Dès qu'elle se trouva devant moi, je fus frappé de la grande beauté de cette fille. Elle possédait visiblement la virginité la plus rare, celle que jamais un désir d'homme n'effleura, tant la crainte et la vénération tenait chacun éloigné d'elle. Je remarquai tout d'abord cette apparente incoordination des mouvements, signalée par l'officier de santé ; on eût dit, quand elle cherchait à saisir un objet, que ses regards, séparément commandés, partaient d'un être différent de celui qui tendait la main. Il n'y avait aucun rapport entre l'étendue de son geste et la distance à franchir ; parfois un objet qui passait devant elle la tentait plusieurs minutes après sa disparition et elle faisait mine de l'atteindre vers l'emplacement depuis longtemps vide ou dans toute autre direction. Aucun doute pour moi ne subsista quand j'eus pensé au mot : synchronisme, qui désigne admirablement cela qui faisait défaut à ses actes : cette fille n'était ainsi isolée de ses semblables que parce qu'elle n'avait pas l'idée de temps, et vraisemblablement pas celle d'espace. Gertrud quand elle s'abstrayait des modes de la sensibi- lité avait de ces attitudes, inexplicables pour un tiers.

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