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la nouvelle revue française

Pompée. — C'est faux ! De qui tiens-tu cela ?

Ménécrate. — De Sylvius, Seigneur.

Pompée. — Il divague. Je tiens qu'ils sont tous deux à Rome, où ils attendent Antoine. Puissent les filtres de l'amour, lascive Cléopâtre, emmieller ta lèvre flétrie. Ajoute à la beauté la magie ; ajoute par surcroît la luxure ! Enveloppe le libertin dans un réseau de fêtes ; qu'elles enfument son cerveau ; que les cuisines d'Epicure par d'inépuisables sauces activent en lui le plus irrassasiable appétit. Que le somme et la boustifaille ainsi balancent son honneur jusqu'à l'assoupissement final du Léthé !... Eh bien, Varius ?

(Entre Varius.)

Varius. — Ce que je vais dire est chose absolument certaine : Marc Antoine est attendu à Rome d'heure en heure : depuis qu'il a quitté l'Egypte, il a eu plus que le temps d'arriver.

Pompée. — J'eusse plus volontiers prêté l'oreille à quelque nouvelle moins grave. Qui pouvait penser, cher Ménas, que ce goinfre d'amour allait endosser la cuirasse pour un aussi mignon combat. Les deux autres réunis n'ont pas la moitié de sa valeur guerrière. Du moins soyons flatté, si le bruit de nos pas suffit à secouer d'entre les bras de la veuve Egyptienne cet insatiable voluptueux.

Ménas. — Je ne suppose pas que le revoir de César et d'Antoine doive être particulièrement cordial. La femme, que celui-ci vient de perdre, n'était pas bien disposée pour César ; son frère a combattu contre lui, — encore que je doute si Antoine y était pour rien.

Pompée. — J'ignore, Menas, comment de moindres