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LE RETOUR DU SOLDAT 239

Au départ je portais une panoplie neuve, on m'avait peint les jambes en rouge. Je croyais à la force de nos ennemis. Je songeais plus à offrir ma mort que la victoire à ma patrie, ,

Je fis la queue pendant des jours sur les routes entre le front Est et le front Nord. Je piétinais derrière un million de citoyens qui attendaient leur tour.

Tout de suite je m'impatientai ; les murs de notre caserne nous escortaient. Je craignis que cette guerre ne tût qu'un grand remue-ménage de camelote, un spec- tacle à bon marché comme le cinéma où Ton voit les banquiers se satisfaire du même plaisir de pauvres que les terrassiers.

De moins en moins confiant, je doutais de pouvoir embellir cette besogne industrielle. Je chargeai mon fusil, défis ma chaussure, plaçai mon orteil sur la gâchette. Un boutiquier allégua que la vie était bonne et il mourut bientôt avec une simple beauté prouvant que l'essence de la guerre, le sacrifice, était intacte.

La guerre commença, continua et finit. Elle se résout maintenant en un clin d'œil.

Je ne songe plus à émigrer. Cette terre qui a mon sang aura mes os. Les hommes de France sont chiches de leur semence, mais pas encore de leur sang. J'ai arrosé la Turquie de ma sueur pour la donner aux Anglais, avec un monde. Nous, nous avons gardé la place où poser nos pieds.

Pauvre terre éreintée. Ma race meurt-elle d'avoir le plus vécu ?

Nos pères n'ont pas voulu faire des petits comme ces

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