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noncer sans inconséquence le moindre jugement sur les produits de votre cerveau ou de votre volonté. Bon gré mal gré il faut que vous fassiez le plongeon avec nous, il faut que vous vous lanciez avec nous à la nage dans l’immense océan de l’indifférence. Grâce à vous la psychologie n’est plus qu’une vieille histoire. À force de s’être écouté, on a perdu tout moyen de se comprendre. Plus nous voici fidèles à nous-mêmes, et moins ce que nous en recevons a d’intérêt. Plus nous essayons de laisser parler en nous la profondeur, et plus c’est la surface qui s’exprime. L’inconscient nous a floués. Après nous avoir privés de tout notre discernement, il se moque de nous et ne nous envoie plus que ses émissaires les plus ridicules. Mais encore une fois, essayez donc de protester, pour voir ! Et surtout dites-nous au nom de quoi. »

Et encore au nom de quoi protesterions-nous, quand Dada tranquillement entreprend de désaffecter le langage ? Que fait-il de plus, là encore, que de tirer les conséquences extrêmes des principes sur lesquels le Symbolisme, puis le Cubisme se sont fondés ? C’est avec Mallarmé, c’est chez Rimbaud (on pourrait même remonter plus haut et sur ce point aussi Flaubert n’est pas sans responsabilité) que les mots ont commencé à se débaucher. Et sans doute je tiens pour une très géniale et très importante découverte celle de cette vertu secrète en eux, distincte de celle qu’ils ont de signifier, et qui leur permet d’absorber un peu de la sensibilité de l’écrivain et de l’emmener, à l’état de simple semence, dans un autre monde où elle refleurira. Nul plus que moi n’admire la façon dont chez Mallarmé ils se déga-