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naître. Son seul effort est pour douer, pour animer, pour émettre les parties de lui-même qui n’ont aucun rapport avec vous. Son poème est une plante qui a poussé dans son cœur, une colombe qui s’envole de son sein. Il ne lui confie point son image ; c’est de son pouvoir, de sa vertu, de son essence, qu’il espère le voir porter témoignage. Une goutte de sa meilleure âme tremble au bec du bel oiseau.

Et Max Jacob : « Le style est la volonté de s’extérioriser par des moyens choisis[1]. » Ou bien : « Surprendre est peu de chose, il faut transplanter[2]. » Et pour cela d’abord évidemment se transplanter soi-même. Qui lit avec un peu d’étonnement l’innombrable et savoureux bavardage du poète, se demandant à quoi il se réfère, doit comprendre que ce n’est à rien du tout et que toute la valeur de tant de ragots et d’effusions mélangés n’est que de communiquer une figure poétique à une âme qui reste, ou qui devient par là-même masquée.

Je n’ai appris que récemment à goûter, mais je goûte fortement dans ce qu’elles ont de réussi, les œuvres de Max Jacob et surtout d’Apollinaire. J’ai d’autre part pour Rimbaud une admiration qui ne peut pas être dépassée et je ne ferais pas grande difficulté, par moments, à le révérer comme le plus grand poète qui ait jamais existé. Je suis né dans le Symbolisme et c’est chez Baudelaire,

  1. Préface du Cornet à dés.
  2. Ibid.