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lit de mort, parlant de ses premiers essais, il lui confiait : « C’était mal » ?

Si j’avais plus de temps, plus de place, je montrerais ici comment le Cubisme tout entier, et en particulier le Cubisme littéraire, n’est rien de plus dans le fond qu’un raffinement du Symbolisme, c’est-à-dire de l’art de s’engendrer soi-même. L’exemple de Mallarmé et de Rimbaud plane constamment sur lui. Si les Cubistes parlent si souvent de construction[1], ils pensent seulement à la construction au dehors, à l’édification poétique de leur personnalité. Les lois qu’ils s’imposent ne cessent pas d’être subjectives ; elles n’ont d’autre sens que d’assurer une certaine cohésion esthétique entre les éléments de leur sensibilité. Mais ils produisent cette harmonie avec tout le reste, elle sort d’eux-mêmes comme tout le reste. Il continue de s’agir uniquement pour eux d’auto-expulsion. L’idée de repères extérieurs à observer ne les effleure même pas. Ils ne voient de mesure pour leur génie que dans l’intensité de la force qu’ils sentent les fuir au cours de la création, ou que dans l’étrangeté, au sens propre, dans l’écart par rapport au réel, des images, des spectacles, des mouvements psychologiques, des pensées même qu’ils mettent au jour.

Tout le charme d’Apollinaire n’est-il pas dans une certaine excentricité qu’il arrive à se procurer à lui-même ? — Où le prendre ? dites-vous. Comment le reconnaître ? — Justement il ne cherche pas du tout à se faire recon-

  1. « Le poème est un objet construit. » Max Jacob. Préface du Cornet à dés.