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II


On peut aimer une doctrine pour d’autres raisons que pour la satisfaction qu’elle vous apporte et sans éprouver la moindre envie de lui donner son assentiment. Ce qui me plaît en celle-ci, — outre le secours provisoire qu’elle aura prêté à de jeunes talents que je m’attends à voir s’élever très haut, — c’est sa franchise, et c’est la netteté avec laquelle elle permet de caractériser la situation littéraire actuelle.

Jusqu’aux Dadas on a vécu dans la réticence. Tout ce que disent et prétendent les Dadas, il y a longtemps que toute une lignée d’écrivains s’appuie dessus ; mais aucun n’avait encore osé le déclarer, le produire comme axiome, ni en envisager de face toutes les conséquences. C’est la première fois que l’on prend conscience des dogmes essentiels que toute la littérature des cent dernières années implique et désigne ; c’est la première fois aussi que l’on se décide à une pratique vraiment scrupuleuse, vraiment religieuse et systématique de ces dogmes. Et l’on peut voir enfin où cela mène.

Il y a longtemps déjà que cette idée est infuse dans l’esprit d’un grand nombre d’écrivains, que la littérature se ramène à une extériorisation pure et simple d’eux-mêmes. Marquer le moment exact où elle les a envahis ne va pas naturellement sans quelque difficulté. Mais on peut au moins apercevoir une époque où ils n’en étaient pas du tout pénétrés, où ils se faisaient de leur fonction une image toute différente.