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NOTES 129

offre le tout-venant de ses impressions et de ses réac- tions.

Son grand mérite littéraire ne sera pas d'avoir introduit dans l'art « ce qu'il y a de plus beau au monde, le travail », car depuis Hésiode et les Géorgiqiies jusqu'à Hugo, Michelet, Eugène Le Roy, Guillaumin, Péguy, Charles-Louis Philippe, la beauté du travail et la souffrance du peuple ont eu une place dans l'art, et plus particulièrement les métiers agricoles, le machinisme ne datant que d'un siècle, — son vrai mérite sera d'avoir été le premier ouvrier à parler de soi avec son âme d'ouvrier.

C'est son âme seule qui apporte une nouveauté dans notre littérature, et non pas, comme il semble le croire, le sujet qu'il traite. La littérature ne se renouvelle jamais par les sujets ou par la forme, elle ne se renouvelle que par des états d'âme inédits qui déterminent sujets et forme.

Toute la vie humaine lui apparaît en fonction du travail et de la peine des hommes ; il ne fait qu'obéir à une nécessité intérieure, à une inspiration particulière, en parlant des métiers. Mais ce qui nous émeut, c'est moins le détail anec- dotique du métier de pêcheur, de métallurgiste, d'ouvrier du textile, de verricrou de mécanicien, c'est la souffrance de ces manuels, leur révolte, leur résignation, leur espoir ou leur désespoir, bref le jeu éternel des ' sentiments humains. Quant au cadre et au thème mis en œuvre par l'artiste, ils nous semblent d'intérêt secondaire, parfois même importuns, s'ils nous cachent trop longtemps l'essentiel.

Le moment culminant du drame, c'est quand Hamp se demande quelle raison de travailler reste encore aux hom- mes, comme Claudel ou Péguy se demandent quelle raison de vivre ils ont. Tué par l'usinage, le métier se meurt, et avec lui l'honneur et l'amour du métier, la joie de l'ouvrage bien fait, tous les grands sentiments que le compagnonnage avait portés à leur apogée. Par quoi les remplacera-t-on ?

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