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BEAUTÉ, MON BEAU SOUCI 97

tier, c'était pour se dire, avec satisfaction, qu'il allait bientôt partir, et qu'ils resteraient là, — comme un collé- gien qui part en vacances bien avant la fin de Tannée scolaire. Une fois qu'il aurait consacré quelques après- midi à des achats, il aurait, pour cette fois, l'impression que Londres ne pouvait plus rien pour son bonheur. A propos, il faudrait qu'il se rappelât qu'il devait passer chez Harrods et acheter de cette poudre parfumée contre les mites, pour bien saupoudrer ses tapis avant de fer- mer son appartement.

Son appartement. Son chez lui. Ah ! et sa femme ! Comme on s'épuise vite, lorsqu'on habite ensemble ! Même s'il n'avait pas eu envie de quitter Londres, il serait parti afin de quitter Edith. Ce n'était pas qu'il eût à se plaindre d'elle ; au contraire : il semblait que plus il se détachait d'elle, et plus elle se montrait soumise et attentionnée, ayant même renoncé à le convertir à son vague idéal philosophique et aux « idées générales ». Mais il était saturé d'elle. Ils pouvaient se séparer à pré- sent : il y aurait toujours quelque chose d'Edith Cros- land chez Marc Fournier, comme il y aurait toujours quelque chose de Marc chez Edith. Ils s'étaient connus aussi intimement que deux êtres peuvent le faire et ils étaient si bien devenus une même chair, qu'ils com- mençaient à être insensibles l'un à l'autre.

Comment ! C'était donc cela qui, à l'origine, lui était, apparu comme une aventure et comme une conquête ? Aujourd'hui, il le voyait bien, ce n'était qu'une pauvre et banale histoire, une triste liaison inavouable et heureu- sement inavouée, et qui deviendrait un sordide concubi- nage, si elle durait seulement quelques semaines de plus.

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