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876 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Un pianiste jouait un tango qui visiblement émou- vait une fille abandonnée et pétrissant en boulettes le pain noir d'une assiette de sandwichs.

Elle lança une boulette dans ma direction, se mit à rire et je sentis crépiter autour de moi l'insolence de tous les yeux.

Alors un homme se leva et se dirigea vers moi : « Que venez-vous faire ici ? Fous êtes Français, cela se voit, ce n'est pas votre place... Ne resdez pas ici, nom te Dieu 1 »

Je m'étais levé.

« Parfaitement», dis-je. J'ajoutai tout de suite sans trop réfléchir, par pur instinct : « Et j'ai fait la guerre... dans l'infanterie.... »

Alors un jeune homme s'interposa entre moi et mon interpellateur.

— Oh la la ! Kesquispass ! ricanaient les filles. Le jeune homme s'était assis à ma table.

— Où étiez-vous ?

— A Souciiez.

Il répondit en souriant : « J'étais au château de Car- leul ». Puis se tournant vers les autres il prononça quelques paroles que je ne compris pas, en allemand.

C'est alors que le bar fut envahi par une vingtaine de matelots en vareuse de cuir noir et coiffés du bonnet réglementaire dont le ruban s'ornait de cette inscription imprimée en lettres d'or : Marine Ahil^, Frankfurt a M.

Instantanément tout le monde avait repris sa place et les hommes sortant leurs portefeuilles étalaient leurs papiers sur les tables.

Un pâle fonctionnaire très maigre orné de lunettes

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