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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 86^

mêmes. C'est une source d'énergie qui pour beau- coup les conduit aux sommets parfois inaccessibles de l'imagination. Le sabbat n'est que le reflet parfois peu brillant de ce que chacun porte en soi. Le cerveau d'un^ avare qui, à mon avis, est aussi soigneusement clos que son coffre-fort, recèle des trésors autrement suggestifs que ce dernier. Une vie intérieure, plus éblouissante que celle du Prince des magiciens, brûle sous leurs paupières et le plus humble des rustres peut créer pour lui des images lui donnant accès dans nos cérémonies sacrilèges. Car, dans notre domaine, rien n'est absolu. Chacun voit le sabbat selon sa per- sonnalité. Chacune de nos cérémonies n'est que le prolongement d'un de nos désirs les plus secrets. C'est ce qui explique cette incohérence apparente, puisque dans cette clairière roussie par les pieds de nos sorcières aboutissent un à un, comme au tableau d'un central téléphonique, les fils multiples reliant leurs souhaits les moins avouables à l'occasion de les réaliser.

Ceux que vous voyez entre ces branches sont là pour leur propre compte. Chaque molécule dans cette foule vit sa vie cérébrale et le Grand Bouc donne seul une apparence de foule à cette assemblée sans liens communs. Tout à l'heure quand le coq chantera, ou si l'un des nouveaux prononce par mégarde le nom de Dieu, la tradition exige que...

Une aube livide précisa la silhouette des arbres. Jean MuUin et le nègre avaient disparu.

J'entendis une voix de femme appeler sur la route, à côté de la croix : « Georgette, où es-tu !.. Veux-tu venir, Georgette ! ah mais ! »

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