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868 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

grâce de Monsieur Pierre, dit Jean Mullin. Il est d'un naturel peu gracieux et ses démêlés avec le peuple des campagnes l'ont rendu insociable. Il tenait un rang apprécié dans la bande des chauffeurs d'Orgères, dont le procès fut fameux. Et depuis sa mort violente le Maître lui a offert un petit emploi dans sa maison.

— Quand je pense, continua Monsieur Pierre avec une certaine exaltation qui témoignait en faveur de sa bonne foi, quand je pense que nous nous sommes rendus impopulaires dans l'esprit des conteurs de veillées pour avoir soumis à la flamme la plante des pieds des paysans (il disait la raille) dont nous voulions tirer quelque profit. Mais, Monsieur, vous n'avez qu'à vous mettre à ma place, hurla le chauffeur qui se croyait revenu à cette époque de sa vie. Mettez-vous à ma place et essayez. Vous me direz s'il est facile d'obtenir de l'argent d'un campagnard par la seule persuasion. Nous étions pour la plupart des hommes doux et paisibles, des voleurs de dames. En ville nous aurions volé nos clients par sympathie. Les campagnards nous ont rendus méchants. Ils ont fait de nous des assassins, et par la suite des tortionnaires.... et notre bande termina son Q>:istence dans le fiasco le plus retentissant. Voulez- vous me citer le nom d'un seul parmi nous qui se soit enrichi ? Un nom, monsieur, dites un nom et je vous tiens quitte?...

Il s'éloigna.

— Cet attachement pour For, poursuivit Jean Mullin en se croisant les mains sur la poitrine, explique leur présence en ce lieu. L'amour de l'or enfante les images les plus imprévues et place les hommes au-dessus d'eux-

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