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8l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui l'amour est-il le meilleur, parmi tous ceux qui aiment ou prétendent aimer ?

MiLDRED. — La liste est longue : il y a l'amour d'un père, d'une mère, d'un mari...

Tresham. — Mildred, j'incline à croire que l'amour d'un frère pour une sœur unique les dépasse tous : Car voyez : rien de terrestre ne se mêle à l'or d'un tel amour, comme aux plus parfaits des autres — pas de gratitude à exiger, elle ne vous doit ni la vie, ni les soins, ni les biens — aussi rien de vous n'a-t-il de droit sur elle, rien que la pure tendresse, c'est ce que j'appelle un amour libre de tous liens terrestres. Le frère et la sœur grandissent ; ils ne peuvent plus espérer être les mêmes amis que lorsqu'ils cherchaient ensemble les primevères dans les bois ou jouaient tous les deux dans le foin nouvellement coupé : mais avec l'âge, un doux respect naît, le sentiment de ce que vaut l'autre, la sympathie grandissante des goûts, une amitié mûrie, une estime confirmée. — Et tout cela compose, savez-vous, dans le cœur, une grande opposition contre le nouveau venu, contre celui qui doit venir un jour...

Le voici qui arrive ! Surprenante apparition ! ce jeune étranger, dans une demi-heure de conversation, ou même, moins que cela, un simple regard, changera — (ah ! bien plus grand changement qu'aucune des métamorphoses chantées par Ovide !) changera votre âme, son âme, l'âme de cette sœur ! Pour elle, hier c'était l'hiver : maintenant tout est tiédeur et sève ! Le jaillissement de la feuille verte et la voix de la tourte- relle ! « Levez-vous et venez ! » Où donc ? Loin, bien loin de ces pauvres droits insignifiants du frère, de son

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