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738 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le petit jeu qui consiste à vouloir discréditer le style d'un auteur par le système — auquel aucun écrivain ne résiste— des citations isolées a été pratiqué depuis longtemps par Victor Hugo sur Racine, par Brunetière sur Victor Hugo, par tout le monde sur Brunetière, — et qu'est-ce qu'il prouve ?

M. Truc est conséquent avec lui-même lorsqu'il repro- che à Marcel Proust de ne pas exprimer des « sentiments clairs», c'est-à-dire d'exprimer des sentiments qui soient des sentiments et non des sentiments qui soient des idées. Un sentiment n'est clair qu'une fois réduit à une abstraction. L'art n'a rien à gagner dans l'intellectualisme hyperbolique de M. Benda ni dans le scolasticisme de M. Truc.

Notre critique flétrit ensuite les « déformations poli- tiques à la faveur desquelles passent M. Barbusse pour un grand romancier doublé d'un penseur politique et M. Romain Rolland pour un philosophe doublé d'un écrivain ». Les déformations politiques sont de tous les temps, mais comme elles viennent de deux partis elles ont chance de s'équilibrer. Il n'y a pas besoin d'être nationaliste pour juger que M. Rolland n'est ni un phi- losophe ni un styliste, et il est inutile de professer l'internationalisme pour penser qu'il s'est montré dans Jean Christophe un romancier original et un noble créa- teur d'êtres vivants. Mais l'information de M. Truc est décidément bien étrange : « Pour ne manquer ni de jus- tice, ni, si possible, de générosité, j'en ai appelé à des témoignages favorables et j'ai choisi, afin de le relire, de la famille nombreuse des Jean-Christophe, le volume le plus généralement goûté des gens de goût. On entend que je veux parler de la Foire sur la Place. » Comme si les gens de goût ne voyaient pas au contraire dans ce gros et naïf pamphlet le plus manqué des dix volumes de Jean Christophe !

M. Gonzague Truc termine en donnant aux débutants le conseil de se mettre à la suite d'une tradition. La

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