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pas plus le sens de l’exotisme que M. Truc n’a celui du vers libre ; mais hâtons-nous de proclamer qu’un homme né chrétien et français vit fort bien sans l’un ni l’autre.

« Vous goûtez encore Bossuet ? A quel genre de fossiles appartenez-vous ? Vous niez que le peintre Matisse ait du génie ? Quel sombre crétin faites-vous donc ? » Je ne défendrai pas ici M. Matisse, n’ayant vu de sa peinture qu’en passant (on ne saurait être partout) et n’en ayant pas encore saisi grand’chose. Il m’est donc difficile d’affirmer qu’il ait du génie. Mais il me paraît bien chanceux de le nier. Ceux qui déclarent sa grande Valeur forment un ensemble qu’ignorant, je dois prendre en quelque considération : d’habiles négociants évidemment, mais aussi des amateurs, fort intelligents, des gens qui, depuis trente ans vivent dans la peinture moderne comme je puis vivre dans le roman et la poésie modernes, la connaissent et la suivent dans son intérieur et dans son détail. Quant à la question des agents de liaison entre ces marchands et ces amateurs, elle est un grand sujet de conversation où j’écoute en cherchant à m’instruire et où je n’ai pas d’opinion. Je ne romps donc pas une lance en l’honneur du génie de M. Matisse. Il y a parmi ceux qui l’affirment des gens éclairés et aussi des snobs, c’est probable, mais M. Truc pense-t-il qu’il n’en est pas de même de Bossuet ? Je suis même persuadé que le vrai goût pour la peinture de M. Matisse doit être aujourd’hui plus sincère et plus fréquent que le goût pour Bossuet. Lesens oratoireest, littérairement, bien déclassé, la littérature, a, selon le conseil de Verlaine, tordu le cou à l’éloquence, qui aura plus tard son retour inévitable, et pour se plaire vraiment, longuement, fortement à Bossuet, il est nécessaire de posséder un ensemble suivi de culture classique, de goût et de connaissances, qui devient de plus en plus rare, ou qui n’existe que chez des professeurs sans communication avec le courant général : une mer Noire qui tend à deve-