Page:NRF 14.djvu/735

Cette page n’a pas encore été corrigée

RÉFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 729

��Depuis Baudelaire et les Concourt il existe dans la littérature française un « modernisme » qui ne rentre dans aucune des catégories classicisme, romantisme, réalisme, symbolisme, mais qui les traverse toutes, doublant parfois les trois derniers (même le premier : songez à certains aspects de Baudelaire) et s'opposant d'autres fois à eux. Quelle que soit la forme artistique qu'il revête, il l'appuie sur ces principes avoués ou latents que le moderne, le plus moderne possible, le plus différent du traditionnel doit être recherche ou estimé comme le but le plus enviable de l'art, — et que ce moderne, comme le traditionnel auquel il s'oppose, peut constituer un ensemble, un système, un ordre théorique, une formule d'art complète et féconde. Il s'affirme alors non seulement par des œuvres, mais par une critique à l'appui de ces œuvres. Il est naturel que la critique normale, dont le but est de reconnaître et d'établir une tradition, lutte avec acharnement non seu- lement contre les modernes, ainsi qu'elle l'a toujours fait, mais surtout et doublement contre le modernisme. Si Baudelaire et les Concourt ont été, de tous les nova- teurs, les plus constamment haïs par la critique profes- sionnelle, c'est en partie qu'ils sont non seulement des modernes, mais des théoriciens du modernisme. Et, comme les formes extrêmes du modernisme, tout aussi bien que celles du traditionalisme, sont pathologiques, que les unes peuvent devenir assez vite une hystérie, comme les autres une sclérose, on voit tout ce qui passionnera, en outre des oppositions naturelles à deux générations ou à deux formes d'esprit, des discussions de ce genre.

Ce n'est pas qu'aujourd'hui nous en soyons là. Les batailles critiques d'autrefois sont calmées, et cela tient aussi bien à l'effacement de la critique elle-même qu'à la

�� �