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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de Valéry se « meut avec agilité ». « La rigueur instituée, une liberté positive est possible », dit-il. Oui, certes, mais quel usage en faire ? À quoi l’appliquer ? Sans doute, parmi tous les écrivains à qui n’a pas été dévolue une véritable vocation scientifique, Valéry s’est avancé plus loin que quiconque sur la route : il ne s’est pas seulement approprié les méthodes, — tour de force bien autrement surprenant, il a su incorporer à sa pensée personnelle — qui par là semble toujours reliée à l’ensemble de l’univers — les résultats essentiels de la science. Mais enfin il n’est pas un savant : il a beau mettre la géométrie au-dessus de tout, il n’a pas la faculté d’invention mathématique ; pas davantage il ne possède une technique particulière, une matière définie sur laquelle il puisse expérimenter. II n’a que la com-

    sible et presque inconnue. Le personnage que je désigne se réduit à une déduction de ce genre. Presque rien de ce que j’en saurais dire ne devra s’entendre de l’homme qui a illustré ce nom : je ne poursuis pas une coïncidence que je juge impossible à mal définir. J’essaye de donner une vue sur le détail d’une vie intellectuelle, une suggestion des méthodes que toute trouvaille implique ». Et en 1919, Valéry est plus net, plus explicite encore : « Je prêtai à Léonard bien des difficultés qui me hantaient dans ce temps là comme s’il les eût rencontrées et surmontées : je changeai mes embarras en sa puissance supposée. J’osai me considérer sous son nom et utiliser ma personne. » Cette dernière phrase est décisive. Celui qui lirait l’Introduction en fonction du Léonard qui a vécu, et non en fonction de Valéry lui-même, la lirait perpétuellement à contre-temps. — Si le lecteur veut se transporter d’emblée à l’autre pôle — au point de vue le plus contraire à celui de Valéry — qu’il lise dans The Study and Criticism of Italian Art (3e série), l’essai de M. B. Berenson sur Léonard de Vinci : dans cet essai, le premier critique d’art de notre temps — chez qui la sensibilité esthétique, la réaction des organes des sens devant un tableau, atteint à une suprême délicatesse — nous livre son jugement final sur Léonard,