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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

gable, indestructible activité de l’esprit, subsiste-t-il dans l’esprit même quelque chose qui survive à son action ? « La conscience seule à l’état le plus abstrait », nous est-il répondu ; il nous faut ici produire deux textes de teneur très voisine. Voici le premier : « Enfin, cette conscience accomplie s’étant contrainte à se définir par le total des choses, et comme l’excès de la connaissance sur le Tout, — elle qui pour s’affirmer doit commencer par nier une infinité de fois une infinité d’éléments, et par épuiser les objets de son pouvoir sans épuiser ce pouvoir même, — elle est donc différente du néant, d’aussi peu que l’on voudra ». Et le second : « Le caractère de l’homme est la conscience ; et celui de la conscience, une perpétuelle exhaustion, un détachement sans repos et sans exception de tout ce qu’y paraît, quoi qui paraisse. Acte inépuisable, indépendant de la qualité comme de la quantité des choses apparues, et par lequel l’homme de l’esprit doit enfin se réduire sciemment à un refus indéfini d’être quoi que ce soit ». Je ne voudrais pas incliner la pensée de M. Valéry en isolant ainsi deux passages dans cette partie précisément de Note et Digressions (pages 24-38) où tous les traits lancés par ce sagittaire lucide vont se ficher au centre de la cible, mais il me semble que dans ces deux textes l’accent porte un peu différemment sur le mot et l’idée du néant. Sans doute, le mot lui-même ne figure que dans le premier et c’est du néant justement que Valéry différencie la conscience, d’aussi peu que l’on voudra, mais enfin qu’il la différencie : et cependant dans ce refus indéfini d’être quoi que ce soit auquel il prétend que l’homme de l’esprit doit enfin se réduire sciemment, il est impossible de ne pas