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SUR L’INTRODUCTION A LA MÉTHODE DE LÉONARD DE VINCI

parmi ceux qui pensent pour écrire ? Nous commettrions alors un véritable contre-sens. Ainsi qu’il ressort d’un passage de la lettre publiée par M. Thibaudet — parlant ici de Mallarmé et considérant son œuvre et son exemple comme une expérience décisive instituée sur le problème littéraire, — expérience assimilable au fond à une expérience scientifique bien que conduite tout différemment, — M. Valéry a, de l’expérience, tiré la loi : « Une impossibilité définitive de confusion entre la lettre et le réel s’impose, dit-il, et une absence de mélange des usage à multiples du discours. » Quand M. Valéry fait allusion à une pensée bonne pour écrire, il importe donc de se dégager complètement de l’acception usuelle de l’expression, et pour saisir l’opposition dans toute sa force il suffit d’examiner à quoi correspond, je ne dis pas dans l’opinion publique, mais dans la pratique de la plupart de nos grands écrivains, cette expression : « Une pensée bonne pour écrire. » Une pensée bonne pour écrire, c’est avant tout une pensée susceptible de développement — l’équivalent en littérature du « thème et variations » en musique. La trouvaille de l’idée première, la découverte du thème chez la plupart des grands écrivains constitue, à strictement parler, le seul effort intellectuel spécifique : une fois en possession de l’idée première, l’effort du grand écrivain passe pour ainsi dire sur un autre plan : au lieu d’être employée à la recherche d’une seconde pensée, l’énergie mentale est tout entière confisquée par le travail d’élaboration artistique de la première, soit qu’elle la produise au jour dans toute son ampleur, en une de ces progressions à la fois paisibles et pressantes qui caractérisent tels points des « Sermons de Bourda-