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SI LE GRAIN NE MEURT 647

ailleurs je ne les ai entendu crier comme à La Roque ; je crois qu'elles criaient ainsi en repassant à chaque tour devant leurs nids. Parfois elles volaient si haut que l'œil s'éblouissait à les suivre, car c'était dans les plus beaux jours ; et quand le temps changeait, leur vol s'abaissait barométriquement. Anna m'expliquait que suivant la densité de l'air volent plus ou moins haut les menus insectes que leur course poursuit. Il arrivait qu'elles passassent si près de l'eau qu'un coup d'aile imprudent parfois en tranchait la surface :

— 11 va faire de l'orage, disaient alors ma mère et Anna.

Et soudain le bruit de la pluie s'ajoutait à ces bruits mouillés du ruisseau, de la source, de la cascade; elle faisait sur l'eau de la douve un clapotis argentin. Accoudé à l'une des fenêtres qui s'ouvraient au dessus de l'eau, je contemplais interminablement les petits cercles par milliers se former, s'élargir, s'intersectionner, se détruire, avec parfois une grosse bulle éclatante au milieu.

Lorsque mes grands-parents entrèrent dans la pro- priété, on y accédait à travers prés, bois et cours de fermes. Mon grand-père et Monsieur Guizot son voisin firent tracer la route qui, s'amorçant à La Boissière sur celle de Caen à Lisieux, vient desservir le Val-Richer d'abord où le Ministre d'Etat s'était retiré, puis La Roque. Et quand la route eut relié La Roque au reste du monde et que ma famille eut commencé d'y habiter, mon grand-père fit remplacer par un pont de briques le petit pont-levis du château, qui coûtait fort cher à entretenir, et que du reste on ne relevait plus.

Qui dira l'amusement, pour un enfant, d'habiter une

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