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Tous les instincts de sa nature obstinée se levaient pour protester. Pour parler le langage de la médecine mentale, suggérer au Président que le traité était la faillite de ses promesses, était toucher à vif un ganglion nerveux. C'était là un sujet pénible à discuter et contre l'examen ultérieur duquel se liguaient tous les sentiments subconscients.

Et c'est ainsi que Clemenceau fit triompher une proposition qui, quelques mois plus tôt, avait semblé extravagante et impossible : les Allemands ne furent pas entendus. Si seulement le Président n'avait pas été si consciencieux, s'il ne s'était pas caché à lui-même ce qu'il avait fait, même au dernier instant il était en état de regagner le terrain perdu et d'obtenir quelque succès considérable. Mais le Président restait immobile. Ses bras et ses jambes avaient été attachés par les chirurgiens, et on les aurait brisés plutôt que de les faire remuer. Désirant au dernier moment user de toute la modération possible, M. Lloyd George découvrit avec horreur qu'il ne pouvait en cinq jours convaincre le Président d'erreur sur un sujet qu'il avait mis cinq mois à lui présenter comme bon et équitable. Il était, après tout, plus difficile de détromper ce vieux presbytérien qu'il ne l'avait été de le tromper, car dans son erreur il avait placé sa conviction et son respect de lui-même.

Ainsi, à la fin, le Président se prononça avec fermeté et refusa la conciliation.

j. m. keynes
(Traduction Paul Franck).