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EREWHON 59

partie, et fort peu, vraiment, appartiennent à la seconde. Peut-il y avoir des plaisirs qui vaillent la peine d'être payés au prix des souffrances d'une vieillesse décrépite ? Si vous êtes bon, fort et beau, c'est une belle fortune que vous avez à vingt ans ; mais que vous en reste-t-il à soixante? car vous êtes forcé de vivre sur votre capital ; vous n'avez aucun moyen de placer vos forces de manière à recevoir une petite rente de vie, tous les ans, pour toujours. Vous êtes forcé de manger votre capital morceau par morceau, et de le voir, avec épouvante, devenir de plus en plus petit, même si vous avez la chance qu'il ne vous soit pas brutalement arraché par un crime ou par un accident.

" Rappelez-vous aussi qu'il n'y a pas un seul homme de quarante ans qui ne serait heureux de rentrer dans le monde des non-nés, s'il pouvait le faire décemment, et sans déshonneur. Etant au monde, il y a toutes les chances pour qu'il y reste jusqu'à ce qu'il soit forcé de s'en aller ; mais pensez-vous qu'il consentirait à renaître, et à revivre sa vie, si on venait lui en offrir la possi- bilité ? Ne le croyez pas. Et s'il pouvait changer le passé au point de faire qu'il ne fût jamais né, ne pensez-vous pas qu'il le ferait avec joie ? Qu'est- ce que c'était donc qu'un de leurs poètes voulait dire, quand il maudit le jour où il était né et la nuit dans laquelle il fut dit qu'un enfant mâle avait été conçu ? " Car maintenant je serais couché et me

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