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PSYCHOLOGIE DU PRÉSIDENT WILSON 639

n'était-elle pas, après tout, le résultat qui importait le plus, et de beaucoup, au bonheur futur de l'humanité? Le traité serait modifié et adouci par le temps. Bien des clauses, qui semblaient alors vitales, deviendraient insi- gnifiantes. Bien des décisions qui semblaient irréali- sables, pour cette raison même, ne se réaliseraient jamais. Mais la Ligue, même sous une forme imparfaite, était quelque chose de durable ; c'était le début d'un principe nouveau du gouvernement du monde. La vérité et la justice ne pouvaient pas être établies dans les relations internationales en quelques mois. La Société des Nations serait la lente gestation dont elles naîtraient en temps donné. Et Clemenceau avait été assez intelligent pour laisser voir qu'il accepterait bien la Ligue, si on voulait y mettre le prix.

A ce tournant de sa fortune, le Président était tout seul. Saisi par les soucis du Vieux-Monde, il avait grand besoin de la sympathie, du soutien moral, de l'enthou- siasme des foules. Mais, enterré à la Conférence, suffo- qué par l'atmosphère ardente et empoisonnée de Paris, il ne percevait aucun écho du monde extérieur, aucun mouvement ardent d'affection ou d'encouragement de la part de ses silencieux commettants de tous les pays. Il sentait que la flamme de popularité qui l'avait salué à son arrivée en Europe s'obscurcissait déjà. La presse parisienne le raillait ouvertement ; dans son pays ses adversaires politiques profitaient de son absence pour lui créer une atmosphère hostile ; l'Angleterre, froide et désapprobatrice, ne lui répondait pas. 11 avait ainsi formé son entourage, qu'il ne recevait pas, par ces voies pri- vées, les courants de confiance et d'enthousiasme dont

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