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NOTES 6l3

« mécanisation ». C'est assez pour expliquer qu'il soit Thomme le plus admiré et le plus dénigré de ses compatriotes. Il va dans le même sens qu'eux et il les précède. Du tournant qu'il a franchi le premier il anti- cipe l'avenir.

Car, c'est par là qu'il nous intéresse, il n'est pas seulement organisa- teur, mais poète. L'organisation qu'il entrevoit n'a pas seulement trait à la matière, mais à l'esprit. Homme de la pratique, il en « st fier. Mais aussi homme de la pensée, et cela lui donne une autre fierté. Il entend qu'action et spéculation ne se dissocient pas, qu'au contraire, elles se réengeadrent l'un ' l'autre par un rythme a:terné. p:tsi sa critique de la vie contemporaine porte, si elle met impitoyablement à nu les faiblesses allemandes surtout, c'est qu'il a reconnu avec lucidité l'ensemble des forces matérielles et morales en jeu autour de lui. Non que tout de ses représentations soit parfaitement clair et rigoureusement ordonné. Il a en même temps que la précision du manieur d'afifaires, l'imapiniit'on du voyant et l'ardeur du prophète : quelque chose de biblique et de révolutionnaire, de confiant et de tourmenté, les abandons du rêve et des ériiptiODS de sèche violence. C'est à travers une demi-douzaine de brochures (l) qui depuis deux ans se sont ajoutées aux cinq volumes de ses œuvres complètes qu'il faut aller chercher une pensée toujours se répétant, toujours se renouvelant, doublement orientée comme dans les œuvres capitales d'avant-guerre : vers la négation, la Critique de ce te^nips, et vers l'affirmation, l'évocation des Choses qui viennent. Destruction, reconstruction, choses qui, dans son esprit, ne se séparent pas, ne se succèdent pas. Il faut pourtant que nous examinions d'abord de quelles valeurs i)erimées il débarrasse l'idéologie allemande.

Rompre nettement avec la tradition prussienne, voilà peut-être sa plus impérieuse réclamation ; il ne voit de silut pour les Allemands que lorsqu'ils auront repris leur évolution au point où ils cessèrent « d'être Allemands pour devenir Berlinois ». Ce n'est pas l'impérialisme de la Prusse, ni son militarisme qu'il met en cause. Sa brochure, der Kaiser, répandue à cinquante mille exemplaires, n'est pas un acte d'accusation. Rathenau n'a pas la tête politique. Il croit moins à l'influence des chancelleries qu'à celle des phénomènes économiques et sociaux d'une part, et d'autre part à l'action d'une idéologie qui réglerait ces phénomènes. Aussi, sans disculper l'Allemagne, ne lui attribue-t-il qu'une responsabilité restreinte dans la guerre. Dès 1911, dans Staat und Judeatuni il avait évoqué les ombres qui montaient à l'horizon, dénoncé ce qu'il constatait en traversant les rues de Berlin le soir ; l'insolente folie d'un peuple parvenu, le vide des formules de la force, l'inanité de la prétention d'un soi-disant germanisme pur às'im-

(1) De 1917 à 1919, Rathenau a publié chez S. Fischer '.Die neue Wirtschaft, An Deutschlands Juyen, Der Kaiser, Kritih der dreifa- chen Révolution, Der neue Staat, Die neue Gesellschaft.

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