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NOTES 585

devrions nous efforcer de comprendre? Et n'est-il pas, dans notre présent, des faits qui jugent notre passé?

Renouer avec un idéal de culture, comme on le souhaite commu- nément, suppose d'abord que nous nous retrouvions dans l'état de paix, les conditions matérielles et morales, l'atmosphère dont nous jouissions avant 1914. Or les hostilités ont cessé depuis plus d'un an sans que nous puissions reprendre «la vie normale». Les riches- ses amassées ont été gaspillées et détruites; la plus-value de la matière première, la rareté de la main-d'œuvre, les fluctuations du crédit ont déjoué les calculs à courte vue de l'économie classique attachée à des idées désuètes et introduit dans les conditions de la production, de l'échange, de la circulation des richesses des modifi- cations qui ne peuvent manquer d'avoir des répercussions sociales. Le jeu des institutions, des organismes, des mesures qui garantis- saient la continuité biologique de l'espèce humaine se trouvent faussés. Après des siècles de civilisation, nous voici à nouveau, comme les membres de l'humanité primitive, à la merci de la faim et du froid. Et le monde industriel européen entraîne dans sa chute l'idéal esthétique et moral que nos aînés lui avaient opposé. Les échanges intellectuels pourraient-ils se rétablir alors qu'il n'est pas encore, de pays à pays, d'échanges commerciaux réguliers? Aucun des pays européens n'est en mesure aujourd'hui de fournir un ali- ment à la vie de l'intelligence; et il est peu probable que nous trouvions dans l'Asie mysticfue les éléments d'une vie nouvelle : le conflit mondial n'a rien épargné. Pour une âme vivante comme Rabindranath Tagore, combien d'âmes mortes; et que demander aux régions où l'impérialisme pousse sur la pourriture des grands empires décomposés? Nous croire capables de renouer avec un idéal de culture, c'est, alors que tout change autour de nous, ne pas pou- voir secouer l'emprise d'habitudes mentales périmées. 11 y a tant de doute, d'hésitation, de confusion autour de nous que les esprits peu capables de s'adapter à des circonstances nouvelles sont portés à prendre pour un réveil une simple survivance. Mais, dans l'agonie de l'Europe, il n'est plus possible, il n'est même plus permis de reprendre une vie faite de musique, de littérature, de philosophie, de sensations rares et d'intelligence libre.

Mais croire par là même que l'intelligence est irrémédiablement

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