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502 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

populations entières adonnées à bâtir, et d'autres à navi- guer; nous avons vu des ingénieurs épuiser toutes les combinaisons de la matière à imaginer des gouffres pour y lancer des ponts ; nous avons pénétré dans des édifices et assisté à des conférences où s'emploient toutes les subtilités de la dialectique ; nous avons parcouru des landes où des milliers d'ombres, spontanément astreintes à une discipline, s'entraînent à de longs exercices; nous avons rencontré des esclaves volontaires qui créaient des champs pour se donner la joie d'y ouvrir des sillons et d'y faire lever des récoltes ; nous avons abordé à des récifs autour desquels le vœu des habitants soulève des tem- pêtes ; nous avons interrogé des solitaires qui nous menaçaient quand nous approchions, et se défendaient contre nous par les obstacles les plus atroces. Nous avons traversé des déserts où somnolaient des tribus que notre voix n'arrachait pas à leurs pénibles distractions. Nous avons frayé avec des élégants dans des décors luxueux, nous avons discuté et plaisanté avec des êtres charmants, pleins d'imprévu et de fantaisie. Nous avons reconnu qu'il existe, par delà la tombe, des esprits aventureux, des esprits sociables, des esprits farouches, des esprits lents et des esprits inventifs. Et à nos questions, ils ne savaient tous qu'opposer la même réponse ;

— Mon ami très cher, ne nous a-t-on pas dit d'attendre encore un peu?

Mais quand la fatigue nous venait, nous tournions la tête de notre caravane vers le couvent des mortes. Car là veillaient nos plaisirs les plus délicats.

Comment est-il croyable que nous n'ayons pas mesuré plus tôt l'éclat dont peut briller la femme quand elle est

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