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NOTES 457

le ton, du comique au tragique, avec une prestigieuse siireté. On peut tout montrer dans le drame — et les Grecs ne s'en privaient pas — si c'est avec décence : « ut decet » comme il convient ; il est nombre de cas, dans le théâtre anglais, où la brutalité est conve- nance. — La scène et l'acte se terminent sur la belle supplication d'Antigonus ; le roi, y cédant à demi, consent à épargner le nou- veau-né ; celui-ci sera, comme Œdipe, exposé sur une montagne ou sur un rivage étranger. Le pauvre petit ne gagnerait rien à cette dérisoire atténuation de sa peine, si Apollon, ou plus exactement la Providence, ne veillait et n'avait sur lui ses desseins. Notons-le bien. Ce n'est pas Léontès qui tient le premier rôle, dans le Conte d'Hiver : c'est Apollon — la Providence. Voici précisément les messagers de retour de Delphes : le roi, qui craint la vérité, con- voque en hâte la cour de justice. On sent qu'il veut juger avant le dieu, et qu'il n'acceptera l'oracle que s'il est conforme à son juge- ment. Troisième acte. Une courte scène, ironique, entre les messagers

— et voici la cour de justice. Le roi veut respecter les formes : mais c'est évidemment hypocrisie ; il s'agit bien d'une justice som- maire et, du haut de son trône, c'est lui qui tranchera. Quand on a lu l'acte d'accusation, en vain se défend Hermione. Le roi a décidé. Rien n'est plus émouvant que cette défense ; la reine n'a pour elle que le sentiment de son innocence et ce ton de sincérité qui gagne tous les cœurs, hormis celui de Léontès. Pauvre femme éperdue, séparée de ses deux entants, elle craint moins la mort que la perte de son honneur et jette à Dieu sa suprême prière : l'oracle doit parler avant le roi. Qu'il parle donc ! « Hermione est chaste, Polixénès sans reproche, Camillo un fidèle sujet, Léontès un tyran jaloux... Le roi vivra sans héritier si ce qui est perdu ne se retrouve. » C'est la reine justifiée et la mort du prince héritier prédite. Le roi n'accepte pas cette justification : « Il n'y a pas la moindre vérité dans cet oracle ! » Droit comme un chêne, il tiendra tête au ciel. Le ciel confond instantanément sa superbe : un servi- teur accourt : « Le prince Mamilius est mort. » Le coup de hache au pied de l'arbre. Dieu a le dernier mot et le roi Léontès se rend.

— Hélas ! à la nouvelle de la mort de son fils, la reine s'est éva- nouie ; la reine aussi est morte. L'invective à la bouche, la bonne

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