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NOTES 449

droits. Ce que nous reprochons aux poètes de ce temps et même aux plus grands d'entre eux, à savoir de ne jamais exprimer de « sensations », de ne jamais faire passer dans les vers les frémisse- ments et les mouvements de la chair et de « l'âme », est justement ce dont, après le pittoresque physique, ils se souciaient le moins.

Que ce fût en prose ou bien en vers, une seule chose leur impor- tait, c'était dedonner une forme nette, brillante et solide à la pensée, à l'idée. A celle-ci on demandait, à tout le moins, d'être ingénieuse, d'offrir même « un sens élevé, nouveau, véritable », comme disait Houdart de la Mothe, pour qui M. Maurice Allem se défend mal d'une certaine sympathie, que je n'éprouve moi-même aucun embarras à partager. Dût M. Paul Souday, si par mégarde il jetait les yeux sur ces modestes essais, en concevoir de l'ai- greur, je crois qu'on chercherait vainement, dans les poèmes « philosophiques » de Victor Hugo, des pensées aussi justes, aussi fortement exprimées, sans grandiloquence et sans panache, mais avec une étonnante propriété de termes et une simplicité noble, que dans ces vers où, bien avant Sully-Prud'homme, Houdart de la Mothe avait tenté d'exprimer l'angoisse métaphysique :

Impatient de tout connaître Et se flattant d'y parvenir, L'esprit veut pénétrer son être, Son principe et son avenir ; Sans cesse il s'efforce, il s'anime ; Pour sonder ce profond abîme Il épuise tout son pouvoir ; ^

C'est vainement qu'il s'inquiète Il sent qu^ une force secrète Lui défend de se concevoir.

Mais cet obstacle qui nous trouble, Lui-même ne peut nous guérir ; Plus la nuit Jalouse redouble, Plus nos yeux tâchent de s'ouvrir. D'une ignorance curieuse Notre âme, esclave ambitieuse

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