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44^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas voulu introduire ce mouvement, il aurait écrit « quelques cri- nières blanches, des cornes aiguës, des têtes d'hommes», ce qui eût paru d'une ironie bizarre. Mais le mouvement était déjà donné dans la dispersion même du tableau, qui sépare par le ou bien les cornes des crinières, puis par le et, et surtout par le changement de mode, le mouvement du repos.

(il) et de liaison analogue à (2) et à (6). 11 est un des boulons qui réunissent en une chose compacte, massive, puissante, les membres de la phrase où est réalisé le taureau immobile. Une fin de paragraphe splendide, toute flaubertienne. Peignant dans 5a- lammbô un marché africain, Flaubert l'arrêterait sûrement là. Mais dans cette peinture du comice agricole (et non des comices, comme dit Flaubert, — à moins que l'usage n'ait changé ?) cet arrêt de haute plastique détonerait un peu. Flaubert le détend avant de le quitter, le remet d'une petite phrase dans le courant réaliste du comice. La petite phrase finale : Un enfant en baillons le tenait par une corde pend à la superbe phrase du taureau comme la corde elle-même, ce qui fait du taureau non un type à la Buffon, mais bien une bête de ferme et de concours.

Je donne ces remarques comme des impressions et des thèmes plutôt que comme des vérités didactiques. D'une part, et est tou- jours grammaticalement un élément de liaison. D'autre part, comme le style est un mouvement que l'on met dans les pensées, et comporte la plupart du temps un élément dynamique, un mou- vement et un progrès qui sont le cours même du style, — le discours. La distinction paraîtra plus claire si on considère des exemples-limites. Si M. Jourdain dit : « Nicole, apportez-moi mon mouchoir et mes gants », le et qu'il y a dans sa prose est bien de liaison pure. Mais à l'extrémité dynamique, et pourra arriver à signifier le contraire même de la liaison, le mouvement qui renverse brusquement un ordre pour lui substituer un ordre contraire.

Estber, disais-je, Estber dans la pourpre est assise. La moitié de la terre à son sceptre est soumise, Et de Jérusalem l'herbe cacbe les murs.

Et dans ce passage de La Bruyère, quel contraste entre les et de liaison et le et central de mouvement, le et à renversement, qui, à

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