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408 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de cuivre ou de je ne sais quels métaux ; il m'ensei- gnait que, d'après le métal, ces implacables végéta- tions étaient dénommées arbre de Saturne, de Jupiter, etc. Mon oncle, en ce temps là, ne s'occupait pas encore d'Economie Politique; j'ai su depuis que l'astro- nomie surtout l'attirait alors, à quoi le poussaient éga- lement son goût pour les chiffres, sa taciturnité contem- plative et ce déni de l'individuel et de toute psychologie qui fit bientôt de lui l'être le plus ignorant de soi-même et d'autrui que je connaisse. C'était alors (je veux dire : au temps de ma première enfance) un grand jeune homme aux cheveux noirs, longs et plaqués en mèches derrière les oreilles, un peu myope, un peu bizarre, silencieux et on ne peut plus intimidant. Ma mère l'irri- tait beaucoup par les constants efforts qu'elle faisait pour le dégeler ; il y avait chez elle plus de bonne vo- lonté que d'adresse, et mon oncle, peu capable ou peu désireux de lire l'intention sous le geste, se préparait déjà à n'être séduit que par des faiseurs. On eût dit que mon père avait accaparé toute l'aménité dont pouvait disposer la famille, de sorte que rien plus ne tempérait des autres membres l'air coriace et refrogné.

Mon grand'père était mort depuis assez longtemps, lorsque je vins au monde ; mais ma mère l'avait pourtant connu, car je ne vins au monde que six ans après son ma- riage. Elle parlait de lui comme d'un huguenot austère, entier, très grand, très fort, anguleux, scrupuleux à l'excès, rigide, et poussant la confiance en Dieu jusqu'au sublime. Ancien président du tribunal d'Uzès, il s'occu- pait alors presque uniquement de bonnes œuvres et de l'instruction morale et religieuse des catéchumènes.

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