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406 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

loin, ternes et confondues, parmi la broussaille et la pierre.

Aux abords du Gardon croissaient des asphodèles, et, dans le lit même du fleuve, presque partout à sec, une flore quasi tropicale... Ici je quitte un instant la guim- barde; il est des souvenirs qu'il faut que j'accroche au passage, que je ne saurais sinon où placer. Comme je le disais déjà, je les situe moins aisément dans le temps que dans l'espace, et par exemple ne saurais dire en quelle année Anna vint nous rejoindre à Uzès, que sans doute ma mère était heureuse de lui montrer ; mais ce dont je me souviens avec précision, c'est de l'excursion que nous fîmes du Pont Saint-Nicolas à tel village non loin du Gardon, où nous devions retrouver la voiture.

Aux endroits encaissés, au pied des falaises ardentes qui réverbéraient le soleil, la végétation était si luxuriante que l'on avait peine à passer. Anna s'émerveillait aux plantes nouvelles, en reconnaissait qu'elle n'avait encore jamais vues à l'état sauvage, — et j'allais dire, en liberté — comme ces triomphants daturas qu'on nomme des trompettes de Jéricho, dont est restée si fort gravée dans ma mémoire, auprès des lauriers roses, la splendeur et l'étrangeté. On avançait prudemment à cause des serpents, inoffensifs du reste pour la plupart, dont nous vîmes plusieurs s'esquiver. Mon père musait et s'amusait à tout. Ma mère, consciente de l'heure, nous pressait en vain. Le soir tombait déjà quand enfin nous sortîmes d'entre les berges du fleuve. Le village était encore loin, dont faiblement parvenait jusqu'à nous le son angélique des cloches ; pour s'y rendre, un indistinct sentier hésitait à travers la brousse... Qui me lit va douter si je

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