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MŒURS SCIENTlFiaUES EN AUSPASIE 389

pose de moi : j'ai deux heures de liberté par jour et quelques économies. Permets-moi de t'aider, si tu gar- des, comme moi, un souvenir amical de notre jeunesse.

��Le soir même, Léonard, avec des larmes, me rapporta ces nobles paroles.

— Je pense, me dit-il, que les hommes sont meilleurs qu'on ne croit et je pense qu'il ne faut pas désespérer de leur cœur; quitte à dire que le cœur de l'humanité ne bat pas dans toutes les poitrines et qu'il n'est point tou- jours où l'on s'obstine à le chercher.

J'ai souvent médité ce propos de Léonard : il me ré- conforte parfois et, parfois, me comble d'amertume, se- lon que je suis, ou non, satisfait de mes journées.

Et puis, bon ami, au risque de gâter l'heureuse im- pression qu'a pu-vous procurer le début de ma lettre, je dois vous avouer d'autreschoses. Je vais souvent, quand j'ai des loisirs, retrouver Léonard dans sa retraite stu- dieuse. J'assiste à ses travaux et l'aide, dans la faible mesure de mes forces et de mes talents. Souvent, en sortant de chez lui, je pense qu'il n'y a rien de plus im- portant au monde que la vérité de Léonard. A de tels moments, j'invective contre l'effarante sottise humaine, je trépigne de rage, je jure que ma vie n'aura plus qu'un but : le succès d'une idée dont la grandeur et l'urgence me pénètrent.

Mais, souvent aussi, au fort de mon exaltation, je me trouve distrait par un souci grêle et pressant, tel celui de trouver une voiture de place ou de prendre rendez-

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