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d'une organisation du travail intellectuel 333

Le directeur d'une maison française est porté d'ins- tinct à se suffire à lui-même. Il est peu habitué à utiliser des hommes. Il attache plus d'attention aux choses. Rien d'étonnant si nul progrès ne lui est possible. Il reste l'éternel esclave du détail. Pour peu que ses occu- pations augmentent, il n'en est plus maître. Dès lors, le désordre se met dans ses affaires et s'accroît à la mesure de leur développement. Aucune idée nouvelle n'est plus réalisable. Pour s'y attacher, il faudrait du loisir ; l'homme incapable d'organiser n'a jamais de loisir. Il est toujours accablé.

Les directeurs des grandes administrations ne s'y prennent pas mieux. Les affaires se traitent sur rap- ports, et les rapports ne sont souvent qu'un prétexte à corrections grammaticales. Il arrive que les questions domestiques s'entremêlent curieusement aux questions d'État. On sacrifie tout à la façade, qui demeure parfois imposante. Mais n'entrez pas dans les secrets de la maison : vous cesseriez d'admirer. Vous verriez qu'il n'est aucun employé, si infime soit son rang, qui ne se gausse des ridicules du patron, ne s'en réjouisse en son envie et n'en profite en sa paresse. En vérité, nul n'or- donne et personne n'obéit.

Si des organismes d'action présentent un tel spectacle, comment s'étonner si rien d'utile ne se fait dans l'État? Car l'État est beaucoup moins disposé en vue de l'action que du compromis. Le roi s'amuse.

Quant au peuple, il attend confusément qu'une impul- sion lui soit donnée. Il fait appel à une volonté qui défaille. Le peuple, ici, c'est nous tous, qui sommes attachés au char embourbé. Nous avons tous besoin

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