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328 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tiennent pour la plupart à un petit monde misérable qui profite largement de l'indiscipline qu'on y laisse régner. L'érudit candidat à l'Institut y brille parfois par le geste et par la parole. Le chercheur laborieux les fuit autant qu'il le peut. Pour accomplir dans notre pays les grands travaux de l'esprit qui sont difficiles, il faut avoir la for- tune qui permet d'acheter des livres et de rester chez soi, se résoudre à étudier seul.

Ce que ces habitudes révèlent, c'est le mépris inavoué mais général du travail. L'œuvre utile qui est l'œuvre sérieuse est condamnée. Cela rend la tâche plus dure à celui qui s'y consacre. C'est qu'il faut une forte imagination et une rude vertu pour travailler dans la solitude. Et les fruits de ce travail sont amers. Ce que l'on construit seul, et qui n'est pas un lien entre plusieurs, donne bientôt le sentiment de l'inutile. Car la pensée retranchée du champ de faction est comme un corps stérile. Nous aspirons à agir et faction veut un concours de pensées.

Nous tournons dans un cercle. L'homme de valeur répugne à imposer sa volonté; au milieu de tant de volontés déréglées qui s'agitent dans l'incohérence, il ne peut, lui seul, faire prévaloir la loi de l'ordre. Cette inco- hérence à son tour est cause que l'activité de l'esprit est confinée dans le silence.

L'intelligence elle-même se consume trop souvent en pure perte. L'ignorance où l'on nous laisse des saines méthodes de travail est des plus nuisibles. L'excès intel- lectuel n'est pas moins à craindre que l'incurie. Nous abusons parfois de nous-mêmes. Il suffit d'avoir traversé des écoles françaises pour savoir ce qu'on y rencontre de ferveur à l'étude ; ferveur parfois fiévreuse et qui laisse

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