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d'une organisation du travail intellectuel 325

C'eût été le devoir des intellectuels d'éclaircir pour nous l'idée de patrie. Us ont préféré filer indéfiniment la soie trompeuse du rêve. Si la valeur de l'intérêt général avait été sentie, l'idée prenait corps. Elle n'était plus sujette à l'interprétation, cessait d'être le monopole des uns contre les autres. Si entre le patriotisme traditionnel pareil à un buisson d'épines et l'antipatriotisme qui en est la contre-épreuve, il se trouve si peu de place pour une idée raisonnable et agissante de la patrie, la faute en est à nos penseurs.

Est-il exagéré de dire qu'ils ont souvent de leur rôle social une notion plus faible encore que le vulgaire? Ils ne se reconnaissent pas pour des ouvriers de la chose commune et repoussent toute organisation. C'est qu'ils ignorent les principes élémentaires de leur métier qui est de connaître et d'ordonner la connaissance.

Nourris de conceptions sociales fort incertaines, nous ne recevons par surcroît nul enseignement des conditions d'un bon travail intellectuel. On nous force de travailler, mais on ne nous apprend pas à réussir dans le travail et à nous plaire en lui. C'est le secret de quelques-uns qu'ils ne croient pas devoir communiquer.

Aussi conservons-nous là-dessus des idées tout à fait primitives. Nous persévérons dans notre croyance abso- lue au génie. Nous admirons des succès dont nous ne comprenons pas le moyen. Nous nous en remettons à l'intuition, à la pure spontanéité de la pensée. Une pensée qui naît parce qu'il plaît au ciel n'a pas besoin d'être réglée. Elle ne connaît pas de lois. Elle ne tient qu'à l'âme, unique en son essence et irréductible. Elle n'est solidaire d'aucune autre pensée.

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